J2, 03 août 2013,
03H00 HL; 10:3 2.55S 141:11.20W.
Vent:E force 4-5 Cap: 210°
Vit.: 6-7 nds Allure: Travers.
C’est
mon premier quart de nuit depuis très longtemps. J’ai de la chance, la
navigation est idéale. On file à presque 7 nœuds sur une mer quasiment plate.
Le travers est une des allures les plus confortables avec le largue. Ceux qui
disent que les allures de vent arrière sont les plus confortables n’ont
jamais navigué que sur des lacs.
Marwan
m’a accompagnée une bonne partie de mon quart. Il a du mal à dormir. Il
s’amarine doucement comme nous tous. De temps en temps, il nous dit, cheveux
au vent, «aime naviguer»,
d’autre fois, il trouve que c’est trop long. On lui dit pour le faire
patienter qu’on va dans des îles où il y a des grandes plages et où on peut
se baigner. Il faut dire qu’on ne s’est pas beaucoup baigné dans les
Marquises. L’eau n’est pas claire et la présence des requins n’est pas très
rassurante.
On
est curieux de visiter ces atolls.
Reste
420 milles à parcourir.
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J3, 04 août 2013,
01H00 HL; 12:17.91S 142:46.10W.
Vent:E force 2-3 Cap: 210°
Vit.: 5 nds Allure: Travers.
On
s’amarine doucement. Le vent a molli petit à petit mais on avance toujours
bien. On doit avoir un courant portant avec nous. La houle est douce et la
navigation agréable.
Après
quelques ratés (poisson dévoré par les requins dont il ne restait que la tête,
rapala arraché par un très gros poisson), Hicham a pêché un énorme thazard.
Il doit bien faire plus de 10 kilos.
Il n’en a gardé que le meilleur car nous
n’avons pas de frigo en ce moment (il a rendu l’âme à Taiohae) et encore
moins de congélo. Je n’ose pas me lancer dans les conserves. C’est un peu
risqué concernant les poissons et les viandes.
C’était,
par ailleurs, une journée calme. On fait la route avec un autre voilier ‘Rêve
de lune’ ce qui nous permet de surveiller que tout va bien chez les uns et
les autres. On n’a plus de contact VHF ce soir car ils vont à 1 nœud de plus
que nous. Avec un Amel de 16 mètres, on ne fait pas le poids.
Cette
nuit, le ciel est clair, j’assiste à un feu d’artifice d’étoiles filantes.
Reste
290 milles à parcourir.
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J4, 05 août 2013,
02H00 HL; 13:44.05S 143:48.60W.
Vent:N force 0-1 Cap: 215°
Vit.: 5 nds Allure: Moteur.
On a
tenu longtemps avant de se décider à mettre le moteur. Le vent a molli petit
à petit en s’orientant au Nord. Hicham a sorti le spi cet après-midi, ce qui
nous a permis de continuer à avancer entre 3 à 5 nœuds. Quand dans la soirée,
notre vitesse est tombée à 1.8 nœuds, avec un cap beaucoup trop au Sud, on
s’est décidé à remballer toutes nos voiles et à mettre le moteur. D’après la
météo, on n’aura pas plus de vent d’ici les 5 prochains jours et il
s’orientera à l’Ouest. Ce sera donc moteur jusqu’à destination finale. On
avance à 5 nœuds, on devrait donc arriver à Toau dans 36 heures, soit en
début d’après-midi du 07 août.
Tout le monde est maintenant adapté au rythme de vie de la navigation. Marwan s’occupe. Il se construit des cabanes avec les coussins, découpent des petits morceaux de papier, de lingettes qu’il éparpille dans tout le bateau, ou alors ses pièces de monnaie, ou les clés. On n’est pas encore parvenu à le faire ranger son bazar. Il s’invente des histoires. Un jour, il est une petite taupe qui fait son terrier avec des chiffons, des housses d’oreillers et qui construit des barrières avec des coussins, un autre jour, c’est un petit singe qui grimpe partout, ou alors un petit lion qui s’amuse à se battre avec son papa lion. Étant donné que le bateau ne bouge pratiquement pas, il joue aussi avec de l’eau dans le cockpit dans sa petite piscine, c’est un de ces jeux préférés. Bref, le temps passe en activités diverses, sans que l’on s’ennuie. Je vous avouerai cependant que j’ai un peu hâte d’arriver à destination.
Reste
180 milles à parcourir.
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J5, 06 août 2013,
01H00 HL; 14:58.33S 145:11.61W.
Vent:W force 2 Cap: 220°
Vit.: 4.5 nds Allure: Près.
Finalement,
le vent est revenu à l`Ouest. Le vent a tourné complètement comme annoncé à
la météo du fait d’une grosse dépression un peu plus au Sud. On a pu remettre
les voiles en changeant d’amure, ce matin, mais on est au près. Il n’y a
pratiquement pas de houle donc la navigation reste confortable.
Tout
va bien à bord. Yapa se comporte bien ainsi que l’équipage. On se fait de
bons petits plats avec nos provisions de légumes. C’est agréable d’avoir du
frais. On arrive à gérer nos stocks malgré l’absence de frigo. Par contre, on
a perdu beaucoup de poisson.
On
est au milieu des Tuamotu, mais on n’en voit rien pour l’instant. On préfère
rester à distance des atolls pour l’instant. L’entrée dans les atolls est
difficile. Il peut y avoir des courants sortant de plus de 6 nœuds dans les
passes, ce qui est trop pour notre pauvre moteur. Il faut bien négocier
l’entrée par rapport à la marée. C’est la raison pour laquelle on aimerait
dans un premier temps se diriger vers l’anse Amyot à Toau qui est une baie
accessible sans qu’il y ait à franchir de passe.
C’est
notre dernière nuit en mer (enfin, j’espère). On devrait arriver à Toau en
fin d’après-midi. A moins, qu’on est à changer de direction car on va un peu
trop lentement.
Reste 72 milles à parcourir. |
06 août 2013, 20H00 HL; Anse Amyot, Toau. 15:48.19S
146:09.17W.
Nous
sommes enfin arrivés à destination après quelques mésaventures. Nous avons,
en effet, vécu une journée riche en évènements.
Tout a commencé, dès mon changement de quart, à 4 heures du matin. Le vent avait complètement tourné à l’Ouest-Sud-ouest, quasi de face. On avait du mal à maintenir notre cap malgré l’aide du moteur et on se trainait à 3 nœuds. Il nous restait une cinquantaine de milles à parcourir. Après calcul, ça nous faisait arriver tard dans la nuit, dans une anse qu‘on ne connait pas. On a réfléchi à plusieurs plans de replis, s’arrêter à Aratika à une vingtaine de milles de là. La passe est étroite avec de forts courants et le lagon bourré de patates. Aujourd’hui, le ciel est couvert avec une visibilité mauvaise. Petit à petit, on se faisait à l’idée de ralentir le rythme pour n’arriver que le lendemain matin et passer une autre nuit en mer, quand un bon vent de secteur Sud-est, force 4, s’est levé, permettant de reprendre de la vitesse à 5-6 nœuds et un bon cap. Nous pensions que c’était gagné, quand nous entendons un message de panne-panne sur le canal 16 de la VHF (c’est le canal des urgences en mer).
Le
message n’était pas très clair, mais petit à petit nous débrouillons
l’histoire. Il s’agit d’un bonitier en panne de moteur du fait de batteries
défectueuses. Nous appelons le MRCC avec le téléphone satellite (c’est le
CROSS de Polynésie, c.à.d. le centre de secours en mer) qui est à la
recherche de ce bateau qui avait déclenché sa balise de détresse plus tôt le
matin. Nous leur donnons les infos que nous avons et nous nous proposons de
dévier de notre route pour essayer de les aider. Le bonitier nous donne leur
position GPS, ils ne sont qu’à 3 milles à l’Ouest. Nous les repérons assez
rapidement, rentrons les voiles et tentons une première approche. Entre
temps, un avion d’observation nous survole et se tient au courant des
évènements par VHF. Nous essayons, dans un premier temps, de nous mettre à
couple, le but étant de leur transférer une batterie. C’est une tentative qui
se soldera par un échec du fait de la houle et surtout par de la casse sur
Yapa: un chandelier cassé et le balcon avant tordu. Nous nous amarrons à leur
arrière et réfléchissons à une solution pour leur transférer la batterie.
Hicham leur envoie une drisse, accroche la batterie sur la drisse et la fait
glisser jusqu’à leur bateau. La batterie prend plusieurs fois l’eau et
heureusement ne heurte aucune tête. Malheureusement, elle ne se révèlera pas
assez puissante pour leur type de moteur. Nous laissons la place à un gros
bateau moteur qui arrive sur les lieux et qui finira par les dépanner. Bilan
de l’opération, pour nous, de la casse, une batterie en moins (on espère bien
qu’ils viendront dans les jours qui viennent à Toau nous la rendre), et 2
heures de retard sur notre programme déjà très serré.
On est fatigués, un peu démoralisés, on décide de mettre les turbos en s’aidant du moteur avec peu d’espoir, cependant, d’arriver avant la nuit à l’anse Amyot. Effectivement, malgré nos 6.5 nœuds de moyenne, il nous reste encore 8 milles à parcourir à 17h30. C’est alors que le moteur s’arrête brutalement. Très mauvais signe, il ne manquait plus que ça!!! Sans moteur, on ne peut plus faire grand-chose que de sortir des Tuamotus et regagner la pleine mer. Heureusement, Hicham détecte rapidement la cause de la panne. Un morceau d’isolement thermique dans le compartiment moteur est tombé sur la prise d’air du moteur et l’a ‘étouffé’. Ce bon vieux moteur, de 30 ans d’âge, maintes fois retapé, repart, une fois débarrassé de cet isolant gênant.
On
hésite encore pour entrer de nuit dans l’anse Amyot. On a une carte
électronique détaillée, mais dans cette zone des Tuamotu, il faut se méfier
des cartes et on a déjà eu des surprises avec notre routeur, naviguant à
plusieurs reprises sur la terre ferme. On parvient à joindre par VHF sur le
canal 16, un catamaran au mouillage dans l’anse qui nous donne les
coordonnées GPS de l’entrée de l’anse et le cap à suivre ensuite. Ca
correspond aux données de notre carte électronique. Par contre, mauvaise
nouvelle, les feux d’alignement signalés sur notre carte ne fonctionnent pas.
La nuit est noire, sans lune, on ne distingue absolument rien!! On décide de
faire confiance à l’électronique et de rentrer dans l’anse. La passe est
étroite, bordée de récifs, c’est chaud!!!
On a
serré les fesses, et tout s’est bien passé. Nos nouveaux amis du catamaran Marmajua nous attendaient en annexe et nous ont guidés jusqu’à une bouée et nous ont
aidés à nous amarrer. Heureusement, qu’on a pu les contacter, sinon, on
n’aurait jamais osé entrer dans cette anse et on aurait été bon pour une
nouvelle nuit en mer.
Le
bateau est quasi immobile. Après 2 mois dans les Marquises qui sont des îles
soumises à de fortes houles et 5 jours de nav, on apprécie ce nouveau
confort. Demain, Marwan ira à la plage tant désirée et méritée.
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