Vent: SSE force 3 ;
Cap: 230° ; Vit.: 5 nds ; Allure: TRAVERS.
Aujourd’hui,
quand je me suis réveillé, le soleil était déjà haut, sous un ciel bleu et une
mer calme. J’ai dû dormir presque 12 heures d’affilées! Je n’ai été réveillé
qu’une fois en pleine nuit. Vers 4 heures du mat, c’est en sursaut que je me
suis levé,entendant très distinctement quelqu’un m’appeler par mon nom.
« Hicham!
Hicham! »
J’ai
ouvert les yeux. Tout était calme, trop calme…
Le
bateau était presque statique, pas de roulis, pas de secousses...
Il n’y
avait presque pas de bruit, je n’entendais pas le cliquetis des poulies, ni le
tremblement léger du gréement, ni même une drisse qui tape contre le mât, aucun
claquement de voile, aucun écoulement d’eau le long de la coque…
Rien…
Je
suis donc sorti dans le cockpit voir ce qui se passait. Et c’est là que je
vois, le génois à contre, et la Grande Voile «lâchée».
Les
drosses du Régulateur s’étaient désunies de la barre, et Yapa c’est tout
simplement mit tout seul à la cape!
La
cape est effectivement une allure extrêmement confortable, où on se laisse
dériver.
On
l’utilise généralement par très gros temps afin de pouvoir se reposer.
Yapa a
du sentir que j’avais besoin de sommeil…
Quand
à mes hallucinations auditives, c’est normal, au bout de 3 semaines en mer tout
seul, ça arrive tout le temps. Là on pourrait croire que c’est mon inconscient
qui m’a réveillé, sentant que quelque chose dans l’allure avait changé; mais la
plupart du temps, je ne sais pas pourquoi.
J’entends
souvent mon nom crié comme si quelqu’un m’appelait, ou le son d’une corne de
brume alors qu‘il n‘y a pas un bateau à l‘horizon, ou d’un oiseau qui piaille
alors que je suis à des milliers de milles de la prochaine terre et qu‘il n‘y a
pas d‘oiseau, parfois le son d’une guitare, ou celui d’une voix…
Mais
ma plus belle hallucination auditive, fut pendant ma traversée de l’Atlantique.
Un
matin, je me réveille au son d’un concert de musique classique. Je me lève
machinalement pour éteindre la radio, mais elle est éteinte.
Je
regarde la VHF en pensant tout de suite que quelqu’un s’amuse à passer de la
musique classique sur un des canaux, La VHF n'est pas allumée.
Puis
je comprends que cette musique ne pouvait venir que d’un bateau naviguant à
côté du mien, alors que je suis en plein milieu de l’Atlantique!
Je
sors en trombe dans le cockpit pour voir à quelle distance il est de moi.
Et là
je me retrouve seul, scrutant l’horizon de toute part, cherchant désespérément
ce foutu bateau!
Mais
il n’y a rien, absolument rien, je suis tout seul au milieu de la mer, avec
cette musique que j’entends toujours, une symphonie, composée d’une dizaine
d’instruments que je distingue parfaitement!
« Je
ne suis pas fou, me dis-je, j’entends bien de la musique! »
Alors
je redescends et me mets à la recherche frénétique de sa provenance. Un
ordinateur resté allumé? Une radio portative que j’aurais oublié quelque part?
Rien!
Je
débranche même les hauts parleurs pensant que le display de la radio était
cassé. Je dois bien vite me rendre à l’évidence, cette musique vient de
l’extérieur…
Alors,
je ressors dans le cockpit et décide de me laisser absorber par la musique afin
de détecter d’où elle vient.
Et
c’est là que je compris.
La
musique se décomposa devant moi en chaque instrument correspondant à un son
bien spécifique qui venait du bateau. Le clapotis de l’eau, les vibrations du gréement,
le tapotement d’une drisse, le vent dans les haubans, le cliquetis d’une poulie
sur le pont, le léger claquement d’une voile etc…
Tous
ces petits sons distincts les uns des autres et pourtant en parfaite harmonie
se fondaient pour créer ce concerto d’une étonnante beauté! Après
avoir compris, non seulement je suis arrivé à décomposer la musique, mais aussi
à la recomposer à partir de chaque son.
Ç’a
été un moment magique dans ma vie, alors que j’ai cru un instant que je devenais
fou, j’ai réalisé que j’étais en face d’un phénomène semblable à ce que les
astrophysiciens nomment: « le
chant des sphères célestes ».
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