mercredi 10 mars 2010

Traversée de l’Atlantique en Solitaire.


20 février 2010 : Départ de Mindelo.

Je suis obligé de piquer vers le Sud West si je veux être sûr d’avoir du vent pendant ma traversée, car l’anticyclone est trop bas. Ça risque de durer un peu plus longtemps que les deux semaines prévues… je n’ai emmené ni réserve d’alcool, ni tabac en espérant que « ce que je n’ai pas, ne me manquera pas. » il me reste de quoi fumer pour 5 jours à tout casser et une bouteille de vin. C’est ce qui s’appelle une cure de désintoxication radicale. De toutes les façons, j’avais l’intention d’arrêter ces conneries.

22 février 2010


Voilà 3 jours que je suis en mer, tout seul avec Yapa. Pas un chat à la ronde ; on est tranquille. Je me fais même de vraies nuits. Je laisse le radar en veille pour les cargos et me réveille toutes les 2 heures pour faire un tour d’inspection puis je vais me recoucher. Le jour, les dauphins viennent jouer avec l’étrave de Yapa pour nous rappeler qu’on n’est pas tout seul et qu’ils veillent sur nous. Et le soir, je me fais réveiller par les frétillements des poissons volants qui ont atterris sur le pont et dans le cockpit, alors je me lève pour les remettre à l’eau.

24 février 2010

Aujourd’hui je me suis fait une tambouille absolument délicieuse. Je fais revenir des oignons dans une gamelle, je rajoute de l’ail, du choux et de la dorade coryphène, je laisse cuire un moment, ensuite je saupoudre le tout de graines de quinoa, un petit peu de levure de bière, de l’eau, sel, poivre et je laisse cuire jusqu’à évaporation totale de l’eau. C’est délicieux !

Bref, je suis heureux.



26 février 2010

Bien que je sois descendu jusqu’au 15ème parallèle Nord, le vent faiblit toujours, il est presque passé en dessous de la barre des dix nœuds, je n’avance que très lentement. A ce rythme, je n’arriverai pas en Martinique avant le 15 mars. Ce qui rallonge ma traversée de plus de la moitié, plus de trois semaines au lieu de deux ! Il est temps de mettre le spi!

J’ai relu 2 fois mon livre sur les manœuvres et réglages de cette immense voile que je n’ai encore que trop rarement (pour ainsi dire jamais) utilisée. Seulement voilà, ce bouquin a été conçu pour 4 équipiers. Donc, il va falloir que je remplace 3 équipiers, car le pilote automatique en remplace déjà un à lui tout seul. Il faut être extrêmement rigoureux et faire chaque manœuvre dans un ordre bien précis et rester vigilant. J’ai un peu peur, car les choses peuvent vite tourner à la catastrophe si le vent fraîchissait. La mer est encore un peu formée et un départ au lof ou à l’abattée, et un homme passe vite à la mer…



27 février 2010



Qu’est ce qu’il est beau Yapa sous spi ! Et on a gagné presque trois nœuds en vitesse ! Finalement, ce n’était pas si terrible que ça ; c’est drôle, je me surprends encore et toujours à avoir peur de ce que je ne connais pas. Heureusement, ma curiosité l’emporte toujours et je réalise à chaque fois que « ce n’était pas si terrible que ça ! ».
J’ai ressenti la même peur paralysante à chaque fois avant de, pour la première fois, refaire l’électricité du bateau, ou de démonter et nettoyer les injecteurs du moteur ou lorsqu’il a fallu que je m’attaque à la ‘strat’ ou à la menuiserie de Yapa. A chaque fois, je me dis que c’est trop compliqué, que c’est un métier en soi et que je n’y arriverai pas. Alors, je lis et relis sans cesse mes manuels avec toujours cette impression de ne rien comprendre jusqu’à ce que je réalise que c’est toujours cette même peur de l’inconnu qui me paralyse.

On pourrait croire qu’avec le temps cette peur diminuerait ou que j’arrive à la maîtriser, et pourtant, à chaque fois je me laisse surprendre.

D’ un autre côté, je me dis que cette peur est salutaire, car, connaissant ma nature un peu désordonnée, fantasque, et velléitaire, elle m’oblige à être ordonné, rigoureux, et vigilant.

Je me souviens d’une phrase que m’avait dite un vieux monsieur dans une quincaillerie à Madère. Je venais de lui acheter 50 mètres de bouts qu’il s’appliquait à dénouer, dévriller tout en le lovant tout doucement. Impatient, je lui dis que ce n’est pas la peine, qu’il peut me le donner ainsi dans un sac et que je m’en occuperai plus tard. Puis il me regarde dans les yeux et me dit :

« Il vaut mieux perdre cinq minutes dans sa vie, que perdre sa vie dans cinq minutes. »



28 février 2010

Voilà plus de huit jours que je suis en mer, et je n’arriverai sans doute pas avant dix jours…

Les journées se déroulent dans une paix absolue, rythmées par mes lectures, mes rêveries, pêche, douche de chat, écriture, réglage de voiles, cuisine, petits films et sommeil. Et puis il y a le petit coup de fil quotidien, via le téléphone satellite, de Clarisse à 19 heures UTC qui s’est instauré comme un rituel. Ça fait du bien d’avoir des nouvelles de ma petite femme et de Bébé et de savoir que tout va bien, et ça en plein milieu de l’océan atlantique ! Vive la technologie !

Je n’ai pas vu un seul bateau depuis que je suis parti.

C’est fou ce que je suis bien en plein milieu de l’océan.



01 Mars 2010

                           

Quelle surprise ce matin ! Je me réveille ma tasse de café à la main, je monte dans le cockpit, et là qu’est ce que je vois ?! À moins de 400 mètres sur tribord, un autre voilier qui navigue sous génois seul! Il semble faire du sur place alors que Yapa les voiles en ciseaux, avance à 5 nœuds. Contact VHF. « Allo, allo, voilier sur tribord, ici YAPA, ici YAPA, est ce que tout va bien ? ». Il me répond tout de suite que tout va bien. Sur ce, on se tape un peu la discute ; deux voiliers qui se rencontrent à moins de 400 mètres en plein milieu de l’océan, ça a quand même quelque chose d’un peu émouvant ! Lui aussi navigue seul, et là il m’apprend qu’il est parti de Mindelo le 16 février pour St Martin ! On s’échange encore quelques banalités puis sitôt la communication finie, une immense fierté s’empare de moi. Ils sont partis 4 jours avant nous et nous les avons rattrapés ! Je me mets à hurler de joie et entame ma danse du guerrier « Houyayaa ! Houyayaa ! Houyayayayaa ! C’est qui l’plus rapide ?! Yapa ! Yapaaa ! C’est qui l’meilleur ?! Yapa ! Yapaaaaa ! »


On est trop fort Yapa et moi !


02 mars 2010

Nouveau record !

Le vent est revenu ! Entre 15 et 20 nœuds depuis hier soir. Yapa est heureux ; j’ai laissé le spi toute la nuit ; vitesse moyenne : 7,6 nœuds ! Le speedo n’est pas descendu en dessous de 7,2 nds avec des pointes à 8,7 nds ! Plus de 90 miles en 12 heures !

Eh oui ! Je n’ai pas pu résister aux sensations grisantes de la vitesse. Je sais que ce n’est pas sérieux, sachant que je suis encore novice dans l’utilisation du spi et que la mer était un peu formée avec 1,5 à 2 mètres de houle croisée N-NE.

Mais ces choses là se ressentent. Je suis longtemps resté avec Yapa à analyser ses réactions, l’observer, l’écouter, et à lui parler. Il vibrait de bonheur, tellement heureux de pouvoir donner le meilleur de lui-même après toutes ces journées de pétole. Et puis, il se comportait tellement bien, que je n’ai pas eu le cœur de lui enlever son nouveau joujou…

Une fois tous les bruits et grincements du bateau intégrés dans ma conscience, j’ai même réussi à dormir 3 heures d’affilées ! (il ne faut pas le dire à Clarisse.)



Que c’est bon, un petit shoot d’adrénaline de temps en temps !


Ah oui, c’est vrai ! En parlant de drogues… Ça fait 4 jours que je n’ai plus de clopes et c’est vrai que ça me titille à intervalles réguliers alors je fais dix pompes et l’envie me passe.

L’alcool, quand à lui, ne me manque pas du tout.


03 mars 2010

Plus je m’approche des caraïbes, plus le vent vire au sud, ce qui m’oblige à changer d’amure. Un empannage sous spi en solitaire… voilà quelque chose que je ne conseille à personne ou alors il faudrait un deuxième tangon!

Finalement, je me résigne à tout affaler, empanner sous GV seule, et rehisser le tout…ce qui prend deux fois plus de temps et d’énergie mais au moins c’est moins dangereux… Résultat des courses : une énorme cloque dans la paume due à l’écoute de spi qui m’a filée entre les mains… Il faudra impérativement que j’installe deux winchs self-tailing supplémentaires dans le cockpit.



Voilà 12 jours que je suis en mer. Aujourd’hui le moral n’y est pas. Je commence à ressentir toute la fatigue accumulée. Je n’ai plus de poissons. J’avance trop rapidement sous spi pour pêcher et je leur arrache la gueule quand j’essaie de les ramener à bord. Que faire ? Il est difficile de réduire sa vitesse sous spi. Affaler le spi et perdre 2 à 3 nœuds alors que j’avance si bien ? Ou me résigner à bouffer des boites de conserves ? Voilà le dilemme de la journée.


Ça suffit à me donner mal à la tête.

Les drosses et poulies du secteur de barre font depuis hier des grincements insupportables. Il faudrait que j’huile tout ça et peut-être que je donne du mou aux drosses. Mais là je n’ai pas le courage de mettre le bateau en panne, affaler les voiles, enlever tout le bordel qui m’empêche d’accéder au secteur, enlever le cache, et tout ça dans un roulis permanent…

Clarisse m’affirme au téléphone que ces grincements ont toujours existé…elle a certainement raison ; c’est moi qui suis fatigué.

Finalement, j’opte pour la boite de conserve…


04 mars 2010

Là, ça ne va plus du tout ! Il est 4h00 du mat et maintenant c’est un problème électrique : toutes les 20 minutes, tous les instruments de navigation s’éteignent comme çà, juste un seul BIP pour me prévenir. Alors je me lève et fonce dans le cockpit reprendre la barre avant que la bateau ne lofe complètement. (La preuve que je ne dors que d’une oreille…)

Il faut que je dorme !

État des batteries : décharge à plus de 70 % alors que toutes les nuits, toutes les trois heures, je mettais une heure de moteur, justement pour éviter ça ! Je ne comprends pas et j’en ai marre ; il n’y a que le pilote hydraulique, qui ne fait que quelques degrés d’écart de route, qui puisse tenir une allure au spi ! Et c’est justement lui qui me bouffe toutes mes batteries. Le pilote Autohelm installé sur la barre à roue fait des écarts de +/-30° et il n’y a pas assez de vent pour le régulateur d’allure… Je suis trop crevé pour affaler le spi, alors c’est décidé : moteur toute la nuit en consommation minimale 10 000 trs/min, pilote hydraulique et je dors !

10h00 du matin, j’ai réussi à dormir un peu.

Il va falloir que j’augmente mon parc à batteries de service. 4 batteries de service ne suffisent pas, il m’en faut 6.

Apparemment, les batteries ont atteint un tel niveau de décharge qu’elles ne se rechargent plus du tout. C’est un vrai problème, tout seul, sans pilote automatique. Je ne sais pas comment je vais pouvoir faire pour dormir… je suis encore à plus de 5 jours/5nuits de l’arrivée. Il me reste juste assez de diesel pour faire 2 nuits donc il va falloir que je trouve une solution pour les 3 dernières nuits. Positivons et soyons heureux que ça ne soit pas arrivé en plein milieu de l'Atlantique.



Alors que j’étais heureux comme tout jusqu’à il y a à peine deux jours, voilà que maintenant je n’ai qu’une seule hâte, c’est d’arriver !


Je crois que je vais me mettre à fumer mes sachets de thé si ça continue !


05 mars 2010

La liste des catastrophes continue : une manivelle de winch à la mer et la drisse de spi sectionnée (il faudra que je vérifie les poulies en tête de mat). Donc voilà, je me retrouve en plein milieu de la nuit à ramener mon spi qui traine dans l’eau. C’est assez sportif ; dur de se rendormir après ça, mais heureusement Yapa a un somnifère à portée de main et m’assène un bon petit coup de tangon sur la tête.

Les batteries sont complètement à plat malgré le fait que le moteur ait tourné toute la nuit.

Impossible de faire fonctionner les pilotes automatiques. Il ne me reste qu’une seule solution : le régulateur d’allure. Il devrait y avoir tout juste assez de vent pour qu’il puisse fonctionner (au moins ça !).

Miracle ! Après avoir passé une bonne heure à le régler, le Régulateur d’Allure (il mérite des majuscules!) marche très bien et arrive même à tenir mon allure plein vent arrière en ciseaux. Je savais qu’un de ces quatres, il allait me sauver la vie.


Merci Thierry sans toi j’aurais vraiment été dans le pétrin !


Maintenant il faut espérer que le vent ne faiblisse pas… mais bon, le moral est revenu malgré la sale nuit.

C’est fou comme en l’espace de trois jours, l’idylle que je vivais a pu se transformer en cauchemar…

Galères techniques + fatigue = DANGER.

Il faut vraiment que je fasse gaffe afin que mon cauchemar ne devienne pas celui des autres…


06 mars 2010



Depuis hier 18 heures UTC, pas un pet de vent, alors je me suis résigné à tout affaler et utiliser mes dernières réserves de diesel (pas tout à fait, il me reste encore 15 litres pour l’arrivée) et faire du moteur toute la nuit et DORMIR !


10 heures UTC : Quel bonheur, j’ai bien dû dormir 7-8 heures ; je suis requinqué mais il n’y a toujours pas de vent ! C’est quoi ce bordel ! Ils sont où ces alizés ?!

C’est là que je me rappelle ce que me disait Richard en me décrivant la vie en Martinique où il a vécu 2 ans. Il me parlait d’un vent fort et constant pendant toute la journée qui le rendait fou et puis arrivé le soir, le vent tombait, et on sortait la musique et les p’tits punchs…

Donc si c’est le cas, il faut que je m’attende à ce qu’il n’y ait pas de vent la nuit…

Pas de vent, pas de moteur, et même s’il y avait un tout petit peu de vent, pas de pilote…

Je ne suis pas dans la merde…

Enfin, il reste le courant du Golf Stream qui devrait me faire un peu avancer…

Bon, positivons : j’ai assez de vivres et d’eau pour survivre plus d’une semaine…

Je m’en veux tellement ; en faisant le plein à Mindelo, j’ai oublié de remplir un bidon de 20 litres de diesel…

12 heures UTC : le vent revient, enfin, juste de quoi gonfler les voiles (8 nds) et le soleil est assez haut pour que le pilote automatique fonctionne uniquement sur les plaques solaires. Heureusement, j’ai une autre drisse à poste et peut donc envoyer le spi. On marche à 3,5 nds. C’est mieux que rien…au moins on avance.

Je suis encore à 380 miles nautiques de mon point d’arrivée.

Ahh !si seulement j’avais une petite clope…

Bon ! Allez ! 10 pompes !


07 mars 2010

C’est trop bon ! Depuis hier 20 heures UTC, il y a un vent soutenu entre 10 et 15 nds de SE. Finalement, j’avance à plus de 6 nds ! Hier soir, afin de ne pas perdre une miette du vent, j’ai fait tourner le générateur. Ça fait un boucan pas possible mais au moins ça m’a permis de faire fonctionner le pilote hydraulique et j’ai laissé le spi toute la nuit ; vitesse moyenne 6,5 nds.

Par contre, je n’ai pas beaucoup dormi…

A ce rythme, je devrais pouvoir arriver le 09 mars en fin de journée !

Le spi, a un trou qui risque de se déchirer sur toute la longueur si je ne le répare pas. Il a dû se prendre dans une des barres de flèche…

A part ça, tout va bien madame La Marquise ! Tous les problèmes ont trouvé leurs solutions pour le moment et le moral est revenu avec le vent.

Et pour couronner le tout, je viens de pêcher un magnifique thazard. Je vais me ré-ga-ler !



08 mars 2010


Depuis 2h00 UTC plus un pet de vent. Pas de vent, pas de diesel, on oublie l’arrivée triomphale du 09 mars… j’ai affalé toutes les voiles et je suis dans Yapa à me faire balloter d’un bord à l’autre dans un roulis irrégulier alors qu’on se laisse dériver.

Mais quelle angoisse ! C’est une vraie guerre des nerfs…et je suis tellement crevé… (Et impossible de dormir dans ces conditions.)

6h00 UTC, le vent est de retour ! Je rehisse le tout et c’est reparti !

12 h 00 UTC : maintenant, je suis face à un tout autre dilemme ; je ne veux pas arriver au Marin de nuit, je suis crevé, il y a des bancs de coraux partout et les balises ne sont pas illuminées et en plus, il y a des casiers de pêcheur à l’entrée de la baie… Alors j’ai deux choix ; soit espérer que le vent ne baisse pas et foncer sous spi afin d’arriver le 09 en fin de journée ou réduire ma vitesse de façon à arriver le 10 en début de journée...

Remarque, l’équation est simple, il est plus facile de réduire sa vitesse s’il y a trop de vent que d’accélérer s’il y en a pas assez…mais j’avoue, que ce qui m’a fait entrevoir l’autre possibilité, était la perspective de me retrouver le 09 au soir pour l’apéro avec Clarisse, en Martinique, avec une bonne bouteille de rhum et une bonne clope !

« Ce n’est pas bien Hicham ! 10 coups de fouet ! »

« T’aurais pu seulement dire que tu voulais retrouver au plus vite ta petite femme et ton petit Bébé ! Et non, à quoi tu penses ? À la picole et aux cigarettes, espèce de toxico ! »

Je crois que ma cure de désintoxication n’a pas marché…


09 mars 2010

C’est le comble, je vais trop vite ! Maintenant il y a trop de vent et j’ai pris 3 ris dans la GV et je n’ai plus qu’un mouchoir de poche en guise de génois. Depuis hier, je marche au Régulateur d’Allure à 3,5 -4 nœuds. A ce rythme, je devrais arriver comme prévu à 12h00 UTC, soit 08h00 heure locale. Dans moins de 24 heures je devrais arriver ! J’ai du mal à réaliser après 19 jours en mer…

Je vais pouvoir enfin serrer ma petite Clarisse dans mes bras et lui faire tout plein de bisous sur le ventre. Peut-être que le petit Bébé bouge déjà à 4 mois? Je ne sais pas…

Je ne sais plus qui m’avait dit que « heureusement que la grossesse dure 9 mois, c’est tout juste le temps qu’il faut aux hommes pour réaliser qu’ils vont devenir Papa… »

J’ai déjà tout un programme pour lui :

A 3 mois, il sera déjà Cap-hornier,

A 6 mois, on le nourrira exclusivement de sang de phoque,

A 1 an, il sera déjà autonome et pourra nager et chasser tout seul,

A 2 ans, il parlera au moins 3 langues,

A 3 ans, il connaitra toutes les étoiles et saura faire un point au sextant,

A 4 ans, il aura déjà sa première petite fiancée,

Et à 5 ans, il me foutra son poing dans la gueule et il me dira que je ne suis qu’un gros con !

« Et si c’était une fille ? »

Si c’est une fille, elle sera ma petite princesse et je doute fort qu’il y ait un jour sur terre un homme digne d’elle. Il devra la mériter et les 12 Travaux d’Hercule paraîtront comme de la gnognotte par rapport à ce que je lui ferais subir avant même qu’il ne puisse seulement l’approcher!

Ahh ! Je sens déjà cette fibre paternelle vibrer en moi … je suis sûr que je ferai un père formidable !





Post Scriptum












Que retenir de cette traversée ? Le plus dur ce n’est certainement pas la solitude car être solitaire est de facto la caractéristique Nr 1 de tout marin qui se respecte ! Quel bonheur de se laisser happer par ce vide entre ciel et mer, de laisser libre court à son esprit dans un monde sans distractions, sans ce parasitage constant dont on est victime dans nos sociétés « modernes ». Cette surabondance d’informations qui nous empêche de réfléchir et corrompt nos esprits ! Au contraire cette solitude a été salvatrice pour moi et j’en ai profité d’autant plus que je sais que dorénavant avec Bébé ce sera un luxe !

Un jour Richard m’a dit :

« Tu sais, le pire ennemi du marin ce n’est pas la tempête, car dans la tempête, tu sens ton sang couler dans tes veines comme jamais ! Jamais tu ne te seras senti aussi vivant que sur ton petit bateau dans une mer déchaînée ! Tu es en mode « survie » et là tu atteins un niveau d’hyper conscience tel, que je me demande si finalement, ce n’est pas ça qu’on recherche au fond, en prenant son petit bateau pour traverser les océans…

Non, le pire ennemi du marin c’est Pétole ! Une mer d’huile, pas de vent et cette impression insupportable de faire du sur-place ! Sans vent, c’est un bateau qu’on ne maîtrise plus, c’est notre vie qu’on ne maitrise plus. On se laisse balloter d’un bord à l’autre, bercé par les grincements du bateau qui nous plongent dans une profonde léthargie. »

C’a été aussi et surtout l’occasion de tester le bateau et moi-même en mode –autonomie- pour une plus ou moins longue durée. Et il en ressort trois choses essentielles :

1) Il me faut au moins 6 batteries et non 4 pour mon parc de service.
2) Il faut que je rajoute 2 winchs self tailing supplémentaires dans le cockpit.
3) Il faut que j’apprenne à mieux gérer mon sommeil.

Sinon, Yapa a prouvé encore une fois qu’il est le meilleur bateau du monde !