vendredi 13 septembre 2013

Du 02 aout au 06 aout 2013. Traversée vers les Tuamotu.

J2, 03 août 2013, 03H00 HL; 10:3 2.55S 141:11.20W.

Vent:E force 4-5 Cap: 210° Vit.: 6-7 nds Allure: Travers.

C’est mon premier quart de nuit depuis très longtemps. J’ai de la chance, la navigation est idéale. On file à presque 7 nœuds sur une mer quasiment plate. Le travers est une des allures les plus confortables avec le largue. Ceux qui disent que les allures de vent arrière sont les plus confortables n’ont jamais navigué que sur des lacs.

Marwan m’a accompagnée une bonne partie de mon quart. Il a du mal à dormir. Il s’amarine doucement comme nous tous. De temps en temps, il nous dit, cheveux au vent, «aime naviguer», d’autre fois, il trouve que c’est trop long. On lui dit pour le faire patienter qu’on va dans des îles où il y a des grandes plages et où on peut se baigner. Il faut dire qu’on ne s’est pas beaucoup baigné dans les Marquises. L’eau n’est pas claire et la présence des requins n’est pas très rassurante.

On est curieux de visiter ces atolls.

Reste 420 milles à parcourir.

J3, 04 août 2013, 01H00 HL; 12:17.91S 142:46.10W.

Vent:E force 2-3 Cap: 210° Vit.: 5 nds Allure: Travers.

On s’amarine doucement. Le vent a molli petit à petit mais on avance toujours bien. On doit avoir un courant portant avec nous. La houle est douce et la navigation agréable.

Après quelques ratés (poisson dévoré par les requins dont il ne restait que la tête, rapala arraché par un très gros poisson), Hicham a pêché un énorme thazard. Il doit bien faire plus de 10 kilos.



Il n’en a gardé que le meilleur car nous n’avons pas de frigo en ce moment (il a rendu l’âme à Taiohae) et encore moins de congélo. Je n’ose pas me lancer dans les conserves. C’est un peu risqué concernant les poissons et les viandes.

C’était, par ailleurs, une journée calme. On fait la route avec un autre voilier ‘Rêve de lune’ ce qui nous permet de surveiller que tout va bien chez les uns et les autres. On n’a plus de contact VHF ce soir car ils vont à 1 nœud de plus que nous. Avec un Amel de 16 mètres, on ne fait pas le poids.

Cette nuit, le ciel est clair, j’assiste à un feu d’artifice d’étoiles filantes.

Reste 290 milles à parcourir.

J4, 05 août 2013, 02H00 HL; 13:44.05S 143:48.60W.

Vent:N force 0-1 Cap: 215° Vit.: 5 nds Allure: Moteur.

On a tenu longtemps avant de se décider à mettre le moteur. Le vent a molli petit à petit en s’orientant au Nord. Hicham a sorti le spi cet après-midi, ce qui nous a permis de continuer à avancer entre 3 à 5 nœuds. Quand dans la soirée, notre vitesse est tombée à 1.8 nœuds, avec un cap beaucoup trop au Sud, on s’est décidé à remballer toutes nos voiles et à mettre le moteur. D’après la météo, on n’aura pas plus de vent d’ici les 5 prochains jours et il s’orientera à l’Ouest. Ce sera donc moteur jusqu’à destination finale. On avance à 5 nœuds, on devrait donc arriver à Toau dans 36 heures, soit en début d’après-midi du 07 août.

Tout le monde est maintenant adapté au rythme de vie de la navigation. Marwan s’occupe. Il se construit des cabanes avec les coussins, découpent des petits morceaux de papier, de lingettes qu’il éparpille dans tout le bateau, ou alors ses pièces de monnaie, ou les clés. On n’est pas encore parvenu à le faire ranger son bazar. Il s’invente des histoires. Un jour, il est une petite taupe qui fait son terrier avec des chiffons, des housses d’oreillers et qui construit des barrières avec des coussins, un autre jour, c’est un petit singe qui grimpe partout, ou alors un petit lion qui s’amuse à se battre avec son papa lion. Étant donné que le bateau ne bouge pratiquement pas, il joue aussi avec de l’eau dans le cockpit dans sa petite piscine, c’est un de ces jeux préférés.

Bref, le temps passe en activités diverses, sans que l’on s’ennuie. Je vous avouerai cependant que j’ai un peu hâte d’arriver à destination.


Reste 180 milles à parcourir.

J5, 06 août 2013, 01H00 HL; 14:58.33S 145:11.61W.

Vent:W force 2 Cap: 220° Vit.: 4.5 nds Allure: Près.

Finalement, le vent est revenu à l`Ouest. Le vent a tourné complètement comme annoncé à la météo du fait d’une grosse dépression un peu plus au Sud. On a pu remettre les voiles en changeant d’amure, ce matin, mais on est au près. Il n’y a pratiquement pas de houle donc la navigation reste confortable.

Tout va bien à bord. Yapa se comporte bien ainsi que l’équipage. On se fait de bons petits plats avec nos provisions de légumes. C’est agréable d’avoir du frais. On arrive à gérer nos stocks malgré l’absence de frigo. Par contre, on a perdu beaucoup de poisson.
On est au milieu des Tuamotu, mais on n’en voit rien pour l’instant. On préfère rester à distance des atolls pour l’instant. L’entrée dans les atolls est difficile. Il peut y avoir des courants sortant de plus de 6 nœuds dans les passes, ce qui est trop pour notre pauvre moteur. Il faut bien négocier l’entrée par rapport à la marée. C’est la raison pour laquelle on aimerait dans un premier temps se diriger vers l’anse Amyot à Toau qui est une baie accessible sans qu’il y ait à franchir de passe.

C’est notre dernière nuit en mer (enfin, j’espère). On devrait arriver à Toau en fin d’après-midi. A moins, qu’on est à changer de direction car on va un peu trop lentement.

Reste 72 milles à parcourir.

06 août 2013, 20H00 HL; Anse Amyot, Toau. 15:48.19S 146:09.17W.

Nous sommes enfin arrivés à destination après quelques mésaventures. Nous avons, en effet, vécu une journée riche en évènements.

Tout a commencé, dès mon changement de quart, à 4 heures du matin. Le vent avait complètement tourné à l’Ouest-Sud-ouest, quasi de face. On avait du mal à maintenir notre cap malgré l’aide du moteur et on se trainait à 3 nœuds. Il nous restait une cinquantaine de milles à parcourir. Après calcul, ça nous faisait arriver tard dans la nuit, dans une anse qu‘on ne connait pas. On a réfléchi à plusieurs plans de replis, s’arrêter à Aratika à une vingtaine de milles de là. La passe est étroite avec de forts courants et le lagon bourré de patates. Aujourd’hui, le ciel est couvert avec une visibilité mauvaise. Petit à petit, on se faisait à l’idée de ralentir le rythme pour n’arriver que le lendemain matin et passer une autre nuit en mer, quand un bon vent de secteur Sud-est, force 4, s’est levé, permettant de reprendre de la vitesse à 5-6 nœuds et un bon cap. Nous pensions que c’était gagné, quand nous entendons un message de panne-panne sur le canal 16 de la VHF (c’est le canal des urgences en mer).


Le message n’était pas très clair, mais petit à petit nous débrouillons l’histoire. Il s’agit d’un bonitier en panne de moteur du fait de batteries défectueuses. Nous appelons le MRCC avec le téléphone satellite (c’est le CROSS de Polynésie, c.à.d. le centre de secours en mer) qui est à la recherche de ce bateau qui avait déclenché sa balise de détresse plus tôt le matin. Nous leur donnons les infos que nous avons et nous nous proposons de dévier de notre route pour essayer de les aider. Le bonitier nous donne leur position GPS, ils ne sont qu’à 3 milles à l’Ouest. Nous les repérons assez rapidement, rentrons les voiles et tentons une première approche. Entre temps, un avion d’observation nous survole et se tient au courant des évènements par VHF. Nous essayons, dans un premier temps, de nous mettre à couple, le but étant de leur transférer une batterie. C’est une tentative qui se soldera par un échec du fait de la houle et surtout par de la casse sur Yapa: un chandelier cassé et le balcon avant tordu. Nous nous amarrons à leur arrière et réfléchissons à une solution pour leur transférer la batterie. Hicham leur envoie une drisse, accroche la batterie sur la drisse et la fait glisser jusqu’à leur bateau. La batterie prend plusieurs fois l’eau et heureusement ne heurte aucune tête. Malheureusement, elle ne se révèlera pas assez puissante pour leur type de moteur. Nous laissons la place à un gros bateau moteur qui arrive sur les lieux et qui finira par les dépanner. Bilan de l’opération, pour nous, de la casse, une batterie en moins (on espère bien qu’ils viendront dans les jours qui viennent à Toau nous la rendre), et 2 heures de retard sur notre programme déjà très serré.

On est fatigués, un peu démoralisés, on décide de mettre les turbos en s’aidant du moteur avec peu d’espoir, cependant, d’arriver avant la nuit à l’anse Amyot. Effectivement, malgré nos 6.5 nœuds de moyenne, il nous reste encore 8 milles à parcourir à 17h30. C’est alors que le moteur s’arrête brutalement. Très mauvais signe, il ne manquait plus que ça!!! Sans moteur, on ne peut plus faire grand-chose que de sortir des Tuamotus et regagner la pleine mer. Heureusement, Hicham détecte rapidement la cause de la panne. Un morceau d’isolement thermique dans le compartiment moteur est tombé sur la prise d’air du moteur et l’a ‘étouffé’. Ce bon vieux moteur, de 30 ans d’âge, maintes fois retapé, repart, une fois débarrassé de cet isolant gênant.


On hésite encore pour entrer de nuit dans l’anse Amyot. On a une carte électronique détaillée, mais dans cette zone des Tuamotu, il faut se méfier des cartes et on a déjà eu des surprises avec notre routeur, naviguant à plusieurs reprises sur la terre ferme. On parvient à joindre par VHF sur le canal 16, un catamaran au mouillage dans l’anse qui nous donne les coordonnées GPS de l’entrée de l’anse et le cap à suivre ensuite. Ca correspond aux données de notre carte électronique. Par contre, mauvaise nouvelle, les feux d’alignement signalés sur notre carte ne fonctionnent pas. La nuit est noire, sans lune, on ne distingue absolument rien!! On décide de faire confiance à l’électronique et de rentrer dans l’anse. La passe est étroite, bordée de récifs, c’est chaud!!!

On a serré les fesses, et tout s’est bien passé. Nos nouveaux amis du catamaran Marmajua nous attendaient en annexe et nous ont guidés jusqu’à une bouée et nous ont aidés à nous amarrer. Heureusement, qu’on a pu les contacter, sinon, on n’aurait jamais osé entrer dans cette anse et on aurait été bon pour une nouvelle nuit en mer.

Le bateau est quasi immobile. Après 2 mois dans les Marquises qui sont des îles soumises à de fortes houles et 5 jours de nav, on apprécie ce nouveau confort. Demain, Marwan ira à la plage tant désirée et méritée.

Le 02 août 2013. Départ pour les Tuamotu. Anse Haka tea, Nuku Hiva.


Une belle fenêtre météo s’annonce (15 nœuds de vent d’ENE) et nous décidons de partir vers les Tuamotu. En cette saison sévit le Maraa`mu, un vent du Sud qui peut-être violent 30 nœuds avec des rafales à 50 nœuds et qui peut rendre la navigation très inconfortable voire dangereuse au milieu des atolls des Tuamotu. Les précédentes semaines, le vent était fort, supérieur à 25 nœuds sur les Tuamotu avec des vagues de 5 mètres.

Avant de partir, nous décidons d’aller visiter une anse à 6 milles de Taiohae, réputée pour sa ballade vers une cascade, la cascade Vaipo, d’une hauteur de 350 mètres, classée come étant la 3ème cascade la plus haute du monde. Le chemin étant long et trop dur pour Clarisse et Marwan, c’est donc Hicham qui partira tout seul. Le but est aussi de faire le plein de fruits dans le village d’Hakaui avant de partir. 

Nous entrons dans une baie magnifique, complètement encerclée par les montagnes. 


Nous retrouvons au mouillage, nos amis suisses Léo et Gesina, sur Seluna, et Marc et Raphaël sur Shag 2. Marc et Raphaël vont partir sur les Tuamotu, eux aussi, ainsi que plusieurs voiliers de notre connaissance, Saïram, Rêve de lune, … Tout le monde profite de la fameuse fenêtre météo.

Nous profitons de la journée du 1 août pour aller nous balader dans le village d’Hakaui. 




C’est un tout petit village, loin de tout. On ne peut accéder à Taiohae que par cheval ou par bateau. Il y a là 2 jeeps, complètement déglinguées. On se demande comment elles ont pu arriver là. Nous faisons un petit bout de route avec Léo et Gesina dans la vallée. C’est magnifique, avec des arbres fruitiers partout, pamplemoussiers, orangers, citronniers, papayers, bananiers, cocotiers, goyaviers, ….. Il y a également des hibiscus de toutes sortes aux couleurs éclatantes. A notre gauche, s’élèvent des falaises impressionnantes, qui ressemblent à des pitons. 





Les habitants nous saluent. Nous rencontrons à la sortie du village, Augustin, sculpteur sur os, qui nous montre ses œuvres. Il nous offre quelques pamplemousses pour la route et des citrons. Quand le chemin commence à être un peu plus boueux et caillouteux, on laisse Hicham poursuivre la route vers la cascade et on rentre sur le village. A 6 mois de grossesse, on m’a bien fait comprendre qu’il fallait être un peu plus modérée sur les randonnées, les ballades en 4x4, ….






Nous rentrons donc au village où nous faisons le plein de fruits, citrons, un régime de bananes et une vingtaine de pamplemousses. Vous a-t’on dit combien les pamplemousses étaient excellents, ici: gros, très juteux, très sucrés, un délice pour les papilles.

Nous ne regrettons pas ce stop dans une des baies les plus belles des Marquises. Nous regrettons juste de ne pas avoir le temps de profiter plus de cet environnement magnifique. Ce n’est plus dans nos habitudes de faire de courtes escales de moins de 2 jours. Mais bon, il faut y aller, quitter les Marquises, petit coin de paradis sur terre.

Nous levons l’ancre le 02 août 2013 à 7h00 heure locale, cap 210°C, direction l’île de Toau aux Tuamotu.

Reste 550 milles à parcourir.