vendredi 24 mai 2013

J31, 24 mai 2013, 20H30 GMT.


Vent: E force 5-6 ;  Cap: 260° ;  Vit.: 6,5 nds ; Allure: VENT ARRIERE sous génois seul tangonné.

On a repris de la vitesse. Depuis hier soir, le vent s'est levé et la mer aussi.

Par une nuit étoilée.

Quel bonheur que de pouvoir mettre le son à fond et d’écouter le Stabat Mater de Pergolesi par une nuit étoilée, en plein milieu de l’océan. Il y a de ces musiques qui ne s’écoutent pas à demi volume, il y a de ces voix qui ont besoin de résonance afin de pouvoir toucher les étoiles.

La navigation de nuit est ce que je préfère. Les gens pensent qu’on n’y voit rien alors qu’on y voit presque comme de jour, par une nuit de pleine lune comme ce soir. Même par une nuit sans lune, les étoiles suffisent à éclairer la mer. Ou alors, il faut vraiment un ciel avec une couverture nuageuse assez épaisse pour bloquer toute lumière. Et même là, c’est magique. Quand on apprend à faire de la voile, il y a un exercice qui consiste à barrer les yeux fermés afin de se servir de ses autres sens et de sentir le vent, le bateau, la mer…

Et même par une nuit noire, il y a toujours de la lumière et elle vient d’un endroit inattendu, de l’eau. Il y a en effet dans la mer ce qu’on appelle du plancton phosphorescent et il s’illumine lorsqu’il est mis en mouvement. Tout le long de la carène et là où l’étrave fend les vagues, des gerbes de lumière jaillissent de part et d’autre. Et à l’arrière du bateau, s’étire un sillage lumineux « comme une longue chevelure de rêves et d’étoiles »(B.Moitessier). La mer est tellement belle.

Et lorsque les dauphins viennent nous rendre visite la nuit, tout comme des étoiles filantes, ils laissent derrière eux une traînée de lumière alors qu’ils fendent l’eau à toute vitesse.

Il ne faut pas avoir peur de la nuit. Loin de toute pollution lumineuse de la ville on voit cette voûte stellaire comme elle apparut à nos premiers ancêtres. Le ciel étoilé nous est dévoilé dans toute sa splendeur, dans toute sa majesté, constellé de diamants de toutes les couleurs. Qui a dit que le ciel de nuit est noir et blanc?!

La nuit comme de jour, je dors parce que j’ai confiance en mon bateau et j’espère que la mer sera clémente avec nous. Comme c’est bon de fermer les yeux, de ne pas avoir peur, et de se laisser aller à la merci des éléments…


Il y a des endroits en plein milieu de l’océan où il n’y a pas un souffle de vent, où la mer est plate comme une nappe d’huile et lisse comme un miroir. La nuit, la voûte céleste se reflète dans l’eau et là, en plein milieu de l’univers, sur mon petit bateau, je vole d’étoiles en étoiles…





 j'ai eu la chance de chopper une étoile filante!

J30, 23 mai 2013, 19H30 GMT.


Vent: E force 4-5 ; Cap: 270° ;  Vit.: 5,5-6 nds ; Allure: VENT ARRIERE sous génois seul tangonné.

Aujourd’hui, c’est magique. Depuis 2 jours le vent baisse sensiblement et tourne progressivement vers l’Est. La mer, elle aussi, est devenue toute douce avec une houle d’à peine 2 mètres. Je mets le cap plein Ouest, 270° pile poil, par vent arrière sous génois seul tangonné. L’allure est stable et tellement agréable après trois semaines de grand largue avec son roulis. C’est tellement bon, j’ai peine à y croire…quel bonheur, quel paix !

Je pourrais hisser la GV et naviguer en « papillon » (ciseaux); je gagnerais certainement plus d’un nœud de vitesse. Mais je n’ai pas envie d’aller plus vite. J’aimerais au contraire, que ça dure une éternité. Je suis à peine à quelques jours des Marquises et je regrette presque d’arriver aussi tôt. Qu’est-ce que je donnerais pour 2 petites semaines de plus…

C’est con, mais 1 mois c’est ce qu’il faut à tout homme naviguant en solitaire pour rentrer véritablement dans le rythme du large. Que ce soit Moitessier, "Jean du Sud", Dumas, Joshua … tous ces marins de légende le disent pourtant tous: « la magie commence après le premier mois… »

Je suis heureux de ne pas m’être arrêté aux Galápagos et d’avoir résisté à la tentation d’un bon repos après les deux premières semaines de près. Sinon je n’aurais jamais dépassé les trois semaines de navigation et je n’aurais peut-être pas connu cette paix intérieure tellement profonde que je ressens depuis quelques jours.

Enfin, paix intérieure qui a été momentanément interrompue hier par le bain de sang suite à mes ébats avec la dorade coryfène…

En parlant de cette dorade, quel délice!

Recette de la journée:
Je fais fondre du beurre dans une poêle avec un filet d’huile d’olive, je rajoute tout simplement de l’ail et du gingembre que je laisse tout juste roussir, puis je rajoute mes morceaux de doradeque je fais à peine revenir. Un petit peu de sauce soja et je laisse chaque bouchée fondre dans ma bouche…
Finalement, je suis bien content de ne pas l’avoir remise à l’eau!

À demain!