mercredi 29 mai 2013

J35, 28 mai 2013, 19H00 GMT.


Vent: ESE force 1 ; Cap: 300° ;  Vit.: 1,1  noeud ; Allure: GRAND LARGUE sous GV seule.

TERRE!!!

Ce matin, après avoir dormi comme un loir, je sors dans le cockpit avec ma tasse de chocolat et là sur bâbord, je vois la terre!

Je distingue l’île de Fatu Hiva à 35 milles à l’ouest.

C’est encore une ombre derrière un nuage mais je sais qu’elle est là.

J’ai le cœur qui bat la chamade car c’est comme si elle se matérialisait devant mes yeux.

Avant, elle n’était qu’un contour abstrait sur une carte marine et puis elle apparaît à l‘horizon.

Maintenant je sais que je suis bientôt arrivé.

La mer c’est comme le désert.

Tout comme il suffit de passer deux trois dunes pour avoir l’impression d’être au milieu du désert, il suffit de parcourir 50 milles pour avoir l’impression d’être en plein milieu de l’océan. 

Aujourd’hui, j’ai établi un nouveau record de lenteur, 45 milles nautiques en 24 heures!
Encore 50 milles jusqu’à destination; à ce rythme-là, je devrais arriver demain en milieu de journée.

Après tout, pourquoi pas?

La mer est plate, le bateau est stable (je peux poser un verre sur la table sans avoir peur qu’il se renverse).

C’est une drôle de sensation que de se laisser dériver.

Cette lenteur a quelque chose d’enivrant, comme une sensualité lascive…

C’est tellement bon de se laisser aller…

Avant, jamais je ne me serais laisser dériver comme ça, je serais devenu fou! J’aurais mis le moteur sans hésitation!

C’est quand même drôle que le vent s’arrête comme ça, juste avant d’arriver.
C’est un peu comme si la mer me retenait encore deux jours de plus, comme si elle ne voulait pas encore me laisser partir après ces 5 semaines passées ensemble

Ou peut-être que c’est moi qui ne veux pas encore la quitter; après tout, je pourrais mettre le moteur…mais j’aurais l’impression de casser le charme. 

J’ai peut-être besoin de ces deux jours en plus pour préparer mon atterrissage en douceur.

La vue de la terre après une longue nav en solitaire est toujours accompagnée d’une sensation mixte, une forme de joie extatique accompagnée d’une certaine appréhension.

Tout doucement…


Tout en douceur…